L’historien et helléniste Jean-Pierre Vernant évoque l’arrivée des déraisons - il s’explique sur ce pluriel - dans la civilisation grecque ancienne, réputée pour son culte de la raison. Auparavant, dans un ouvrage antérieur, "Les origines de la pensée grecque", il avait donné quelques explications générales sur le passage qui avait mené cette civilisation grecque ancienne du mythe à la raison. Ces "déraisons" étaient le fait d’abord de peuples "non-Grecs", donc "Barbares" (c’est-à-dire étrangers); ce sont par exemple les rituels divins inspirés, les cultes orgiastiques, dionysiaques, les transes collectives das les montagnes, etc. Son exposé est truffé de références à nombre d’auteurs, philosophes, poètes, historiens et "politiciens", d’Hésiode à Thucydide en passant par Solon, Lycurgue, Parménide, etc. Sa conclusion est qu’il n’était pas question pour lui de faire l’éloge de la folie chez les Grecs, mais d’établir un constat: à savoir le fait que les Grecs ont fini par percevoir le danger qu’il y avait à se considérer toujours comme supérieurs aux Barbares, car "on ne peut être soi-même réellement qu’en s’ouvrant à la compréhension de l’autre". Ils ont fini par comprendre qu’il valait mieux s’ouvrir à la déraison (aux déraisons) des Barbares avant qu’elle(s) ne les submerge(nt) complètement.