Conférence de Jean-Paul Sartre, qui reprend la question posée par Jean-François Revel, auteur d’un ouvrage intitulé «Pourquoi des philosophes?» en 1957. Revel concluait que les philosophes étaient bons à jeter aux chiens, ce que Sartre s’attelle à réfuter. L’occasion pour lui de suggérer sa philosophie de l’existentialisme sans la nommer. La critique principale qui est faite aux philosophes est leur manque d’utilité dans la cité, alors qu’on ne se pose pas la question «pourquoi des peintres ou des poètes?", métiers a priori tout aussi «improductifs» que la philosophie. Le problème de la philosophie (en particulier la philosophie «de type mathématique") provient d’abord du fait qu’elle a été détrônée par la science (physique, biologie voire même histoire). On ne sait plus quel rôle lui assigner: celui de faire la synthèse des sciences (coordination)? Celui de faire la morale? Sartre aborde ensuite le concept de «l’adaptation", c’est-à-dire de la capacité de l’homme à se fondre dans un groupe, en soulignant le caractère «désadapté» du philosophe par rapport à celui qu’il appelle «l’homme du sérieux": en effet, pour le philosophe, l’essentiel n’est pas l’homme, mais l’être. «L’homme n’est pas un objet d’étude pour l’homme.» Par le biais du texte de Heidegger,"Introduction à la métaphysique", Sartre résume ainsi: «l’homme de sérieux» préfère se demander «pourquoi des philosophes?» plutôt que «pourquoi de l’être plutôt que rien?". En effet, ce qu’on reproche au philosophe, c’est de poser des questions sans réponse, qui créent le malaise. On lui reproche tout simplement de pratiquer l’exercice de la pensée, considéré par beaucoup comme inefficace et même dangereux. Le philosophe est suspect, parce qu’il s’interroge sur lui-même. Pour Sartre, en réalité, le problème dérive du fait que tout le monde est philosophe, mais que tout le monde ne s’affiche pas comme tel. Et plus généralement, tout irait mieux si l’on ne cherchait pas toujours à éviter de se demander «qu’est-ce que l’homme?".
