Le sinologue Jean-François Billeter présente l’art de la calligraphie chinoise, auquel il a consacré un ouvrage, à travers les époques, en commentant des diapositives. Il expose tout d’abord la technique de fabrication du pinceau (en poils de martre), son développement toujours plus raffiné qui en fait une plume-réservoir avant la lettre, ainsi que son utilisation. Il insiste sur l’importance du mouvement dans la calligraphie qui "vous donne l’impression de danser tout en étant assis sur votre chaise". La position de la main et tout l’attirail du calligraphe sont passés en revue. Les calligraphes chinois ne pensent pas en termes de ligne ni de surface, contrairement aux peintres occidentaux (depuis la Renaissance), mais en termes "d’éléments qui font corps", d’espace en profondeur dans lequel se tiennent, grâce à leur énergie propre, les objets sensibles créés par le pinceau. Dans la religion des Chinois, le monde se crée constamment (contrairement à notre conception chrétienne depuis la Genèse), faisant de chaque forme (et partant, de chaque caractère d’écriture) une "réalité naissante". L’art du calligraphe, qui accouche ainsi de la réalité, revêt donc une signification profonde: l’écriture est liée aux origines. D’où l’intérêt très marqué des calligraphes contemporains pour des styles archaïques ou archaïsants, ainsi que leur attrait pour la gravure de sceaux à l’ancienne. Noter que de manière générale, Billeter recourt davantage à des comparaisons avec la musique occidentale qu’avec la peinture occidentale pour expliquer l’art de la calligraphie chinoise.
Sinologue, professeur aux Universités de Genève et Zurich (1978).
Edgar Tripet
Ecrivain; ancien directeur, Gymnase de La Chaux-de-Fonds; vice-président de la Fondation Pro Helvetia; principal rapporteur du Rapport fédéral sur la culture (dit Rapport Clottu,1975); président de la Commission nationale suisse pour l’Unesco (1985-92)
