« Où est le tableau ? » demandait Théophile Gautier devant Les Ménines. Vélasquez ne peint rien qui ne soit dans le quotidien de ses contemporains. Pour autant est-il réaliste ? Tout dépend du regard que l’on pose. Le véritable sujet n’est pas l’anecdote de la petite infante et de sa suite pénétrant dans l’atelier du maître alors qu’il peint le couple royal. Le véritable sujet est la lumière qui joue avec les personnages et leur donne à la fois cette présence réelle et l’irréalité de la rêverie. De cette réalité il peint seulement certains éléments. Vélasquez serait-il donc irréaliste? Il ne fut pas très populaire en son temps, on pensait qu’il n’avait pas fini de peindre ses toiles, en raison notamment de l’indécision de surface et de profil dans laquelle il les laissait. Est-ce justement sa tentative de peindre l’instant, mouvant par définition, qui est à la source de la révolution qu’il a provoquée? Ouvre-t-il en ce sens le chemin de la Modernité pour Courbet, Delacroix ou Degas, mais aussi Daumier, Corot, Manet et Renoir ?
Docteur en histoire de l’art, Alain Navarra de Borga est diplômé de sociologie de l’art et il enseigne à l’Université de Bologne (Italie). Il a participé à la création de «L’invitation au savoir», association culturelle qui organise des conférences, colloques et voyages culturels et dont les bénéfices sont mis à profit de divers projets dans le domaine médical et éducatif en Arménie.