Jacques Fauvet, rédacteur en chef adjoint du journal «Le Monde», aborde la crise de la démocratie. JF distingue des notions trop souvent confondues: autonomie et participation, droits individuels et politiques, l’esprit d’une constitution et sa lettre. Critère double et indissoluble de la démocratie en tant que régime: le peuple est appelé librement et régulièrement à désigner les responsables politiques et si possible économiques, directement ou indirectement; participation active et continue du peuple par divers intermédiaires (partis, syndicats, information…) Il note que dès 1924 la démocratie disparut de la plupart des pays d’Europe, puis brosse un tableau féroce de la France passée et présente, la comparant aussi à l’URSS, au Royaume-Uni. Mais certains traits d’un régime sont plus généraux. La disparition des intermédiaires entraîne personnalisation du pouvoir et dépolitisation des masses; en fin de compte, «on ne vote pas pour un homme parce qu’il a un programme, on approuve un programme parce qu’il est présenté et défendu par un homme»; et l’uniformisation du niveau de vie tend à l’uniformité du réflexe politique. Pourtant, la dépolitisation des partis lui paraît suivie d’une repolitisation des corps intermédiaires, qu’il observe souvent en province: «Je pense qu’un jour ou l’autre, la politique aura sa revanche […]». Au total, si la démocratie n’est pas fatale, le contraire non plus. Exposé très articulé et plaisant, ironique et même cinglant à l’égard du pouvoir français. De plus, bien de ses commentaires ne paraissent guère datés à ce jour. JF devait présenter cette conférence le 8 mars 1962, moment où il fut menacé de mort par l’OAS, et protégé par la police, qui lui interdit d’apparaître en public pour un certain temps. Etrange contexte pour traiter de son sujet! A noter que JF semble être venu au Club 44 avant cette occasion.